Marie-Pier Dufour, D.Ps, CRHA

Les besoins de compétences et d’actualisation de soi sont hautement importants pour tous salariés et gestionnaires désireux de maintenir sa motivation et sa satisfaction au travail. Dans le domaine du développement professionnel, les médias ne manquent pas… Vous pouvez assister à des conférences, vous inscrire à des MOCS, lire un ouvrage, sélectionner une formation en ligne, vous trouver un coach… Mais avez-vous pensé participer à un groupe de codéveloppement? Et si cette option vous permettait d’aller encore plus loin dans votre développement?


Qu’est-ce qu’un groupe de codéveloppement professionnel (GCP)?

Le codéveloppement professionnel est une approche de formation offerte aux individus qui désirent apprendre les uns des autres afin d’améliorer et de consolider leur pratique. Centré sur des situations concrètes de la réalité de travail de l’individu, le but est le développement professionnel réalisé, entre autres, par le soutien entre les participants (Payette, 2000).

Le GCP est guidé par une démarche structurée dont l’animateur est le maître d’œuvre. À tour de rôle, les participants sont invités à jouer le rôle du client et celui du consultant. Lorsque le participant joue le rôle du client, il doit présenter une situation qui le préoccupe dans le cadre de son travail, dans le but de réfléchir aux enjeux et pistes de solutions avec les autres participants qui jouent alors le rôle de consultant.

Quels bienfaits peuvent être retirés à participer à un GCD?

Adrian Payette (https://provirtuel.com/apayette.html) a réalisé plusieurs recherches et rédigé bon nombre d’écrits sur le sujet du co-développement professionnel. À travers ses expériences, il a su relever pas moins de 63 compétences dont le développement est favorisé grâce aux activités de codéveloppement professionnel. Dans son article intitulé Le codéveloppement, une approche graduée (2000), il synthétise ces compétences en 10 principales, que voici :

  • Savoir développer une rigueur factuelle : pratiquer cette tension cognitive qui refuse les illusions, les faux-fuyants, qui fait face aux réalités et permet de dire les vraies choses.
  • Savoir contrôler mes réflexes de rejet et d’agressivité face à un feed-back désagréable.
  • Savoir adopter des points de vue différents pour enrichir l’analyse d’une situation et pour aider l’imagination de projets (comparaisons interactives, créativité).
  • Savoir être sensible aux différences entre les personnes, entre les situations et entre les organisations, et être capable d’apprendre à partir de ces comparaisons.
  • Savoir me placer et me maintenir en état d’éveil, d’apprentissage et de mouvance sur les axes du développement personnel et professionnel.
  • Savoir partager mes expériences avec les autres de telle sorte que cela me soit utile, et à eux aussi.
  • Savoir découvrir et valoriser mes savoirs (connaissances, habiletés, attitudes).
  • Savoir objectiver, prendre de la distance, savoir placer devant moi comme un objet étudiable et critiquable ma façon d’agir dans une situation, mes sentiments, mes valeurs, mes critères de jugement.
  • Savoir écouter l’autre et en même temps moi-même, sans que la deuxième écoute interfère avec la première.
  • Savoir l’art de dire, sans blesser, des choses pas faciles, mais utiles.

Tous ces acquis s’ajoutent aux bénéfices d’apprendre de l’expérience des autres et de trouver des pistes d’intervention personnalisées aux enjeux rencontrés dans sa pratique.

Quelles sont les conditions de succès d’un GCP?

Pour obtenir les bienfaits espérés via les activités de codéveloppement professionnel, des conditions de succès doivent être présentes. En premier lieu, la taille du groupe compte. Il doit être suffisamment grand pour susciter des échanges riches, mais assez petits pour faciliter le sentiment de confiance et donner l’occasion à chacun de s’exprimer. Idéalement, un groupe composé de minimum 6 participants et de maximum 12 participants sera souhaité.

La composition du groupe a également sa part de responsabilité dans le succès d’un GCP. Un groupe hétérogène en termes d’expériences, compétences et connaissances est un atout pour optimiser la diversité des idées. Toutefois, le groupe doit comporter des similitudes dans leur situation ou contexte professionnel. L’objectif est que les participants puissent ainsi plus facilement comprendre la situation des autres participants et s’identifier à leurs vécus. Le niveau hiérarchique a aussi sa part d’importance dans la sélection des participants. Une directrice et un chef d’équipe ne rencontreront pas les mêmes défis et la portée de leurs actions sera différente. Aussi, il importe de ne pas placer de participants qui ont une autorité hiérarchique ou fonctionnelle sur d’autres participants.

Outre la composition du groupe, les participants doivent faire preuve de motivation et d’ouverture. Ce n’est pas une bonne idée de contraindre son employé à participer à ce type d’activité contre sa volonté, cela altérera significativement le climat du groupe. Une collecte d’informations préalable à l’inclusion d’un participant dans un GCP permet de vérifier que ces conditions soient bien présentes.

Les participants doivent être engagés sérieusement dans la démarche. Pour concrétiser le tout, les participants sont généralement invités à convenir ensemble d’un code d’éthique à respecter. Ce dernier traitera incontestablement de la confidentialité et de l’assiduité. Les membres du groupe devront adopter une attitude bienveillante, exempte de jugement, afin de susciter un climat de confiance propice à la pleine participation de chacun.

Évidemment, une des conditions de succès concerne l’organisation et l’animation du GCP. L’animateur doit posséder de bonnes habiletés communicationnelles, avoir le sens de l’organisation et maîtriser le processus de codéveloppement (Payette et Champagne, 1997).

Comment se déroule une activité de codéveloppement?

Chacune des situations abordées par un participant-client passe par six étapes, qui se tiennent à l’intérieur de 60 à 90 minutes environ au total :

  1. Exposé d’une problématique ou d’un projet par le « client »

À l’aide des outils préparatoires reçus par l’animateur, le client présente sa situation du jour. Il s’assure de préciser le contexte de la situation, mais surtout ce qui pour lui rend cette situation difficile. L’objectif n’est pas seulement de résoudre un problème, mais aussi d’aider le client à développer ses compétences. Il doit aider les consultants à bien saisir les défis qu’il rencontre, craintes qu’il ressent, malaises éprouvés, ou toutes autres informations de nature perceptuelle de la situation. Les consultants doivent arriver à se placer dans sa peau.

  1. Clarification de la problématique ou du projet : questions d’informations

L’objectif de cette étape est de favoriser une compréhension commune de la situation vécue par le client. Les consultants adressent donc leurs questions de clarification au client, afin de rendre explicite l’implicite. Une fois cette étape complétée, les consultants ont le portrait précis de la situation, à travers les yeux du client.

  1. Contrat précis sur la demande

Toujours dans l’idée de répondre aux besoins spécifiques du client, il est invité à définir ses besoins par rapport à la sorte de consultation et en convient avec les consultants. Les consultants doivent s’assurer de bien comprendre l’objectif poursuivi par le client en présentant sa situation. Cet objectif devra être conservé à l’esprit tout au long du processus de traitement de la situation, afin de bien y répondre.

  1. Réactions, commentaires, suggestions pratiques des « consultants »

C’est ici que les méninges se font aller! La situation problème est comprise et les attentes du client aussi. Les consultants sont donc invités à user de leurs expériences, connaissances et compétences pour proposer des pistes de réflexion, commentaires et propositions d’action visant à supporter le client dans l’atteinte de l’objectif qu’il a partagé. Le client porte une écoute attentive aux différentes options qui lui sont présentées et les reçoit avec ouverture et curiosité. C’est à son tour de questionner les consultants pour solliciter des précisions sur leurs réponses. Il veut bien saisir les outils qui lui sont gracieusement offerts par ses pairs dans le but de l’aider de manière bienveillante. Silencieusement, il commence à avoir une idée de ce qui lui parle et ce dont il a envie de sélectionner pour son plan d’action.

  1. Synthèse et plan d’action du client

Une fois que les consultants ont complété la présentation de leurs propositions, le client est invité à faire le tri. C’est le moment pour lui de nommer quelles pistes lui semblent porteuses dans sa situation et de présenter les actions qu’il envisage de poser. Le client s’engage par rapport au groupe, et devra en faire le suivi à la prochaine rencontre. Les résultats pourront alimenter l’apprentissage du groupe.

  1. Régulation-Conclusion : Évaluation et intégration des apprentissages par chacun des participants

En guise de conclusion de chacune des situations présentées, les participants identifient les apprentissages faits grâce à la situation traitée ensemble. L’accent est mis ici sur le développement des uns à travers l’expérience des autres. Puis, dans un souci d’amélioration continue des rencontres du GCP, les participants font part de leur appréciation du fonctionnement observé.


En conclusion…

Les groupes de codéveloppement professionnel ont fait leurs preuves dans plusieurs milieux, dont ceux de l’éducation, de la santé et des services sociaux, des étudiants universitaires de cycles supérieurs, dans des organisations désireuses de gérer un changement, entre des organisations différentes qui réseautent et apprennent les unes des autres, bref, l’utilisation des GCP est infini!

Et vous, quand prévoyez-vous vivre cette expérience enrichissante?

Références :

Bélanger-Simard, C.A. (2019). Les effets d’un groupe de codéveloppement professionnel auprès d’intervenants implantant un programme de formation : projet pilote, Mémoire de maîtrise inédit en psychoéducation, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Morneau, D (2012). Autoévaluation par les gestionnaires de l’impact du codéveloppement sur l’acquisition de compétences de gestion, Thèse de doctorat inédite en psychologie, Université de Sherbrooke.

Payette, A (2000). Le co-développement – une approche graduée, Interactions, 4 (2), automne 2000.

Payette, A. (2000). Le groupe de codéveloppement et d’action formation. Une approche puissante encore méconnue, Effectif, vol. 3, no 2 , avril-mai 2000.

Payette, A. et Champagne, C. (1997). Le groupe de codéveloppement professionnel, Ste-Foy : Les Presses de l’Université du Québec.