par Marie-Pier Dufour, psy.org., CRHA, ECH

Février 2023

La crédibilité est sans doute une caractéristique que tous les gestionnaires désirent posséder. Malheureusement, la crédibilité n’est jamais acquise : elle s’acquiert et se perd selon des conditions qui parfois échappent à la conscience des principaux concernés. Il n’existe pas de recette miracle pour garantir la crédibilité d’une personne; tout dépend du contexte qui entoure cette dernière. Or, certaines études se sont penchées sur le sujet et permettent aujourd’hui de proposer un éventail de comportements à adopter par le gestionnaire qui souhaite bâtir et maintenir sa crédibilité aux yeux de ses équipes.

Qu’est-ce que la crédibilité?

La question mérite d’être adressée : qu’est-ce que la crédibilité? Qu’est-ce qui fait qu’une personne est crédible ou ne l’est pas?

Selon le dictionnaire Larousse, un individu crédible est une personne fiable, qui peut être crue, en qui on peut avoir confiance. Cette définition suggère que la crédibilité est accordée à un individu en fonction de facteurs personnels et subjectifs. C’est-à-dire qu’un gestionnaire, par exemple, pourrait tout à fait être jugé crédible pour une personne, et pas du tout pour une autre personne. Ainsi, la crédibilité n’est pas une compétence qui se développe, une connaissance qui s’acquiert ou un statut qu’on atteint indéfiniment. La crédibilité est accordée par des personnes en fonction de critères qui leur sont propres. Ces mêmes personnes peuvent tout aussi bien cesser de l’accorder pour diverses raisons.

Ainsi, Devinat (2020) propose cette définition pour décrire ce qu’est la crédibilité :

«Valeur subjective accordée à une personne en fonction de critères personnels et sociaux, liés aux compétences et aux habiletés ainsi qu’à l’expérience, aux connaissances et à l’expertise d’un individu. L’évaluation de ces critères permet l’attribution d’un degré de confiance et de fiabilité, lequel est défini comme une sécurité ou un niveau de risque que l’on est prêt à prendre avec cet individu.»

Qu’est-ce que la crédibilité apporte au gestionnaire?

Pour qu’un gestionnaire cherche à accroître sa crédibilité, encore faut-il qu’il comprenne ce qu’il a à en tirer.

Si l’angle de l’absence de crédibilité est d’abord observé, il est possible de constater les effets indésirables que subit le gestionnaire. Ce dernier aura un douloureux sentiment d’incompétence, puisqu’il rencontrera des difficultés à communiquer les messages, à obtenir l’adhésion de ses équipes, il fera face à des expressions de résistance et de doute par ses équipes, il percevra des tensions et se sentira isolé. Instinctivement, les employés qui n’accordent pas de crédibilité à leur gestionnaire n’auront pas tendance à lui faire confiance, à le consulter et à l’informer. Ils se placeront dans une posture défensive et adopteront une attitude sceptique avec lui. Certes, cette situation n’est pas souhaitable pour un gestionnaire.

À contrario, un gestionnaire qui est jugé crédible par ses équipes arrivera à communiquer plus facilement et plus efficacement avec eux. Ses idées, ses directives et suggestions seront mieux accueillies et il sentira un désir de collaboration de la part de son équipe. Plutôt que de ressentir la tension, le doute et le malaise, il observera de la confiance, du plaisir et de l’authenticité chez ses membres. Ces conditions les mèneront, lui et son équipe, plus facilement vers l’efficacité et le bonheur au travail.

Alors, comment devient-on crédible?

Puisque la crédibilité est accordée de façon subjective par des individus en fonction de critères qui leur sont propres, il est impossible de décrire la recette universelle de la crédibilité. Cependant, l’expérience et les recherches permettent de mettre en évidence certaines dimensions qui semblent impacter significativement la crédibilité perçue d’un gestionnaire.

D’abord, il y a la dimension de la personnalité qui compte pour beaucoup. La personnalité est un ensemble de caractéristiques, chez une personne, qui influence de façon unique ses cognitions (pensées), ses motivations et ses comportements dans des situations variées. Les traits de personnalité sont généralement considérés comme relativement stables à travers l’âge adulte. Toutefois, l’intelligence émotionnelle permet à chacun d’user de flexibilité et d’ajuster sa manière d’être en fonction des conditions de l’environnement. Il n’existe pas de profil de personnalité qui soit un gage de crédibilité dans toutes les situations. Il faut plutôt que la personnalité soit en accord avec les attentes, la culture, ainsi que les valeurs de l’environnement. Prenons par exemple un gestionnaire dans le domaine du marketing et de la communication. Possiblement que l’extraversion, la sociabilité et la créativité seront des traits de personnalité recherchés dans ce contexte. Bien que ce profil puisse être recherché dans cet environnement, il pourrait ne pas convenir dans un environnement différent comme dans le domaine de la fiscalité par exemple, où le profil recherché devrait comporter davantage de prudence, de sens analytique et de rigueur.

Donc, pour la dimension de la personnalité il est question d’adéquation entre ce que le gestionnaire a à offrir et ce qui est attendu par l’environnement. Les outils psychométriques peuvent favoriser la sélection stratégique des profils recherchés selon le contexte. Le coaching de gestion peut aider un gestionnaire à accroître sa capacité à ajuster ses attitudes, communications et comportements aux attentes de son environnement.

Une seconde dimension qui compte aussi beaucoup sur la détermination de la crédibilité représente la compétence. Pour cette seconde dimension, il faut bien comprendre qu’elle est encore une fois évaluée de manière subjective par les autres, en fonction de critères personnels. Ainsi, une réussite importance, mais unique, comme un diplôme universitaire ou une promotion, ne suffit pas à asseoir sa crédibilité : elle se bâtit en fonction de la constance des accomplissements. De manière générale, certaines caractéristiques tendent à accroître la perception de compétences chez les gestionnaires. Voici quelques exemples :

  • Intelligence émotionnelle
  • Connaissances et expériences
  • Sens du jugement
  • Constance et cohérence
  • Objectivité et impartialité
  • Sens de l’organisation
  • Respect de ses engagements

Finalement, la troisième dimension qui appert accroître la crédibilité octroyée à un gestionnaire représente la confiance. Il faut savoir que la confiance est difficile à bâtir, mais peut se perdre facilement. Une fois de plus, cette dimension est attribuée par les autres en fonction de critères personnels à chacun. Le professeur Zak (2017) a publié un article percutant sur le sujet dans la Harvard Business Review. D’abord, il explique que la molécule de la confiance, l’ocytocine (C43H66N12O12S2) serait produite chez les employés lorsqu’ils se sentent particulièrement en confiance et que cela se produit spécifiquement lorsque certaines actions sont adoptées par le gestionnaire.

Cette fascinante chimie du cerveau met en lumière une série de huit comportements, qui généralement, lorsqu’adoptés par le gestionnaire, provoquent la production d’ocytocine chez les employés.

Comportement un : Exprimer de la reconnaissance sincère et spontanée lorsque de bons coups sont observés, que ce soit des efforts déployés ou des résultats atteints.

Comportement deux : Fixer des objectifs stimulants, mais réalistes, de sorte à favoriser le développement et le succès des équipes.

Comportement trois : Laisser de l’autonomie dans les manières de faire des autres. En d’autres termes, les laisser choisir le chemin à prendre pour atteindre la destination visée. Cette autonomie que le gestionnaire leur témoigne contribuera à la hausse de la confiance tant recherchée;

Comportement quatre : Permettre aux employés de choisir certaines tâches. Naturellement, ils sélectionneront des tâches qui les motivent et pour lesquelles ils se sentent compétents. La qualité du résultat en sera bonifiée, comme le plaisir au travail des équipes.

Comportement cinq : Partager l’information de manière claire et en quantité suffisante. À contrario, les employés peuvent se sentir méfiants et avoir l’impression que le gestionnaire leur cache quelque chose.

Comportement six : Favoriser la socialisation entre vos employés. Des recherches indiquent que les occasions de socialisation entre les employés, contribuent au renforcement les liens et au développement de la confiance entre eux.

Comportement sept : Accompagner les employés dans leur développement en agissant comme un mentor, un coach et un superviseur. La transmission de rétroaction constructive, appuyée par des occasions de développement efficaces favorise l’accroissement du sentiment de compétence et de confiance des employés.

Comportement huit : Faire preuve d’humilité. Le gestionnaire doit ici reconnaître ses limites ainsi que ses erreurs, demander conseil au besoin et valider ses idées. Ces démonstrations de vulnérabilité contribuent à susciter davantage de confiance chez le personnel et sont perçues positivement.

En conclusion, la crédibilité est un atout à bâtir et à renforcer continuellement comme gestionnaire. Chacun des efforts déployés pour accroître sa crédibilité a un effet positif sur les équipes, leur rendement et leur rétention.

Quel sera votre prochain objectif pour augmenter votre crédibilité?

Bon succès!

Références :

Devinat, Antoine (2020). Accroître sa crédibilité : une condition essentielle à la réussite d’un gestionnaire. En ligne (consulté le 2023-02-03) : https://mesemployes.com/accroitre-sa-credibilite-une-condition-essentielle-a-la-reussite-dun-gestionnaire

Zak, P.J. (2017). The neuroscience of trust, management behaviors that foster employee engagement. En ligne (consulté le 2023-02-03) : https://hbr.org/2017/01/the-neuroscience-of-trust