La déconnexion au travail

Il y a déjà près de 10 ans qu’on en parle chez nos voisins français, dans le domaine de la jurisprudence. Cela fait toutefois seulement 5 ans que le droit à la déconnexion est apparu réellement dans le Code du travail qui est le leur. Dans ce contexte de télétravail forcé pour plusieurs employés, le sujet paraît soudainement plus que pertinent. Et si nous nous inspirions de ces pratiques ici aussi?


La communication accessible partout et tout le temps

Vous avez peut-être déjà occupé un poste, avant même cette ère de pandémie, où vous aviez le privilège d’avoir un cellulaire fourni, peut-être même un portable, ou bien vous avez peut-être déjà connu les pagettes! Ce n’est pas d’hier que les entreprises cherchent à faciliter l’accès à leurs employés et la communication. Vous avez peut-être constaté que ce privilège vient parfois avec son lot d’ambiguïté et de pression! En effet, cela ne devient-il pas un problème quand vous constatez que des messages textes entrent le soir, la fin de semaine, que des courriels détaillés et chargés d’attentes vous sont transmis hors des heures de travail, alors que vous cherchez à passer du bon temps dans votre vie personnelle?

Certes, l’intention n’est pas mauvaise. L’idée derrière ces communications nombreuses appartient à la sphère de la performance, de la productivité, de l’efficacité. Mais les effets peuvent rapidement devenir plus nocifs que positifs.

Effets indésirables de la communication instantanée

Bien qu’elles facilitent l’accès et la rapidité, les technologies de l’information et de la communication en 2021 peuvent poser un sérieux défi en matière d’équilibre entre la sphère personnelle et professionnelle de la main-d’œuvre.

Les employés et gestionnaires qui sont équipés d’un cellulaire de travail, d’un portable, d’une application de messagerie instantanée ou d’un accès à distance au serveur de l’entreprise sont exposés à plusieurs risques, dont :

  • Le risque que leur travail empiète sur leur vie personnelle;
  • Le risque d’accroître leur niveau de stress et d’hypervigilance;
  • Le risque de dépasser leurs heures régulières de travail;
  • Le risque d’accroître leur fatigue.

Certes, l’employeur aussi peut rencontrer des défis face à la gestion de sa main-d’œuvre ayant accès en tout temps à leurs outils de communication pour le travail. Notons par exemple :

  • La difficulté d’obtenir un portrait juste de la charge du travail de sa main-d’œuvre;
  • La difficulté à s’assurer que sa main-d’œuvre ait eu accès à son juste temps de repos, avant de reprendre le travail;
  • La difficulté à respecter la limite de la vie privée de son personnel;
  • La difficulté à ne pas abuser soi-même de cette accessibilité et à ne pas contribuer à ces excès.

Ce sont justement pour contrer ces effets que la France a intégré le droit à la déconnexion dans son Code du travail, bien avant que la majorité des travailleurs ne soient forcés d’exercer leurs fonctions en mode télétravail :

En France, « le droit à la déconnexion vise à :

Les enjeux du droit à la déconnexion ont été abordés et légiférés au-delà de la France. La Belgique, l’Italie, l’Allemagne, la Corée du Sud, l’État de New York sont aussi de ceux qui ont tablé sur le sujet (Raja, A. (en ligne : Droit à la déconnexion : perspective internationale – CRHA (ordrecrha.org)).

Intéressant, mais par où commencer ?

Ces pratiques vous inspirent et vous aimeriez implanter de telles mesures dans votre organisation? Il y a des incontournables dans les étapes à franchir. Voici une proposition de méthodologie étape par étape.

  1. Appui des dirigeants.

En 2020, le Conseil du patronat du Québec a déposé un Guide pratique pour l’implantation du télétravail en entreprise (en ligne : Guide pratique pour l’implantation du télétravail en entreprise (cpq.qc.ca)). Ce dernier recense les avantages et inconvénients du télétravail, les aspects juridiques ainsi que les enjeux technologiques et en matière de gestion des ressources humaines. Ce document comporte beaucoup d’informations précieuses pour supporter la valeur ajoutée d’un projet interne dans l’organisation. Car, bien évidemment, une des premières étapes sera d’obtenir l’appui de la direction pour amorcer un projet visant le droit à la déconnexion.

  1. Recension des risques.

Ensuite, il serait de mise de bien recenser les risques psychosociaux auxquels sont exposés les membres du personnel qui ont accès en tout temps à leurs outils de communication pour le travail. Un risque psychosocial correspond à un déséquilibre entre la situation du salarié et son environnement de travail, qui peuvent par la suite avoir des conséquences destructrices sur la santé physique et psychique (en ligne : Déconnexion et risques psychosociaux en télétravail forcé (mailoop.com)). Par exemple, la surcharge de travail, le dépassement des horaires réguliers et la difficulté à respecter ses pauses sont tous des facteurs de risques psychosociaux. Mieux nous connaissons la nature des risques auxquels s’exposent les salariés, mieux nous pouvons agir sur les risques avec des solutions adaptées.

  1. Génération de solutions.

Les risques sont connus, il convient maintenant de trouver des solutions concrètes et accessibles pour agir sur les risques. À ce stade, la créativité et la collaboration des parties prenantes seront fort utiles. Ainsi, pourquoi ne pas créer des groupes de discussion auxquels des salariés de différents titres d’emploi, des représentants syndicaux, des gestionnaires, des membres du conseil d’administration, des bénévoles ou toute autre partie prenante pourraient participer?

  1. Sélection de solutions

Comme il n’est pas réaliste de vouloir tout faire en même temps, il sera nécessaire de prioriser. Il faudra tenter d’identifier les solutions qui paraissent les porteuses, qui agissent sur les risques psychosociaux les plus importants, ainsi que les solutions qui sont les plus accessibles en termes de coût par exemple.

  1. Plan d’action.

Ne restera ici qu’à traduire le tout dans un plan d’action qui respecte les principes SMART (objectifs spécifiques, mesurables avec des indicateurs, accessibles, réalistes et définis dans le temps) et à s’assurer que chacune des actions est portée par un responsable.

  1. Déploiement.

Célébrez le lancement de votre plan d’action, soyez rigoureux et persévérants, vous observerez bientôt les bénéfices!

  1. Évaluation et amélioration continue.

Mais attention, le travail ne s’arrête pas là ! Les technologies de l’information et de la communication continuent de se développer à vitesse grand V. Il sera toujours de mise d’adapter votre programme en fonction des nouveaux risques observés, des besoins des employés et de l’organisation. Assurez-vous de faire des audits de temps à autre pour mesurer les effets de vos actions.

En conclusion

En sommes, les pistes sont nombreuses pour accroître le pouvoir d’une entreprise en matière de promotion de la santé. L’idée n’est pas de toutes les appliquer, mais de sélectionner quelques actions porteuses et de bien les implanter. De nombreuses ressources existent pour accompagner un tel projet d’amélioration continue de la culture de santé psychologique. Informez-vous et n’hésitez pas à demander du support vous aussi!

Le meilleur des succès !

Références :

Planchard, JH. et Velagic, Z. (mars 2020) Évaluation de l’impact psychologique du télétravail. Références au travail, 161, Centre hospitalier Universitaire (CHU), Nice.