Par Isabelle Bourdeau, CRHA
17 mai 2023


La gestion de la discipline fait généralement partie des pratiques qui requièrent le plus d’énergie pour un gestionnaire. Celui-ci doit en effet composer avec l’aspect humain et la relation tout en gardant en tête les comportements à corriger.

Mais il est possible de rendre cette tâche inévitable plus confortable tant pour le gestionnaire que pour l’employé, sans compromettre l’atteinte des objectifs : en intervenant avec humanisme.

Qu’est-ce que la gestion disciplinaire?

La gestion disciplinaire découle du droit de gestion de l’employeur. « La mesure disciplinaire permet à l’employeur de signifier à la travailleuse ou au travailleur concerné les manquements qui lui sont reprochés pour lui donner l’occasion de changer sa conduite (son comportement, son attitude, ses relations interpersonnelles ou un rendement insuffisant) »[1]. Une mesure disciplinaire est de mise lorsqu’un employé a un comportement fautif qui est volontaire.

Ainsi, il faut comprendre que la gestion disciplinaire ne doit pas se faire dans un esprit punitif, mais dans une démarche corrective. On vise à ce que l’employé puisse prendre conscience de ses manquements et apporter les correctifs nécessaires.

Adapter son intervention

Dès qu’un employé fait face à une baisse de rendement ou à une modification de son comportement habituel, le réflexe est parfois de conclure rapidement qu’il est devenu un employé difficile. Cependant, il est essentiel de faire la distinction entre un employé à défi et un employé en difficulté, les deux étant souvent confondus. En effet, la stratégie d’intervention sera différente selon le type d’employé, d’une part dans le respect de l’individu puis, d’autre part, afin d’assurer l’atteinte des objectifs.

L’employé en difficulté fait temporairement face à une situation difficile (ex. : deuil, séparation, problèmes familiaux importants, maladie). La situation qu’il vit peut affecter sa performance ou son comportement, pouvant le rendre notamment plus colérique, impatient ou anxieux. Le gestionnaire est généralement capable d’identifier la période où l’employé a commencé à rencontrer des difficultés au travail.

Certes, il est nécessaire d’intervenir, mais la gestion disciplinaire n’est pas indiquée pour corriger le comportement de l’employé en difficulté, car celui-ci est généralement involontaire, en plus de lui générer une pression supplémentaire. Le gestionnaire ne doit pas chercher à résoudre la problématique de l’employé et doit plutôt l’orienter vers des ressources qualifiées qui pourront l’aider de façon confidentielle et professionnelle (ex. : programme d’aide aux employés).

Pour sa part, l’employé difficile présente un comportement inacceptable ou fournit un mauvais rendement depuis généralement assez longtemps. Il y a une persistance de son comportement négatif et ses manquements sont généralement volontaires.

Face à un employé difficile, le gestionnaire a la responsabilité d’intervenir.

Pourquoi intervenir?

En plus des conséquences sur son rendement, les agissements de l’employé difficile se répercutent à plusieurs autres niveaux : climat de travail, relations avec les collègues, rendement de l’équipe, atteinte des objectifs, etc.

Par conséquent, il ne faut tolérer aucun comportement incivil ou fautif et il faut agir dès les premiers signaux. Ne pas intervenir, c’est lancer un message que les comportements incivils, peu importe leur portée, sont acceptés. Ils ne se résorbent pas d’eux-mêmes, au contraire ils risquent fortement de s’amplifier sans intervention.

Également, cela peut rapidement devenir une norme informelle et entraîner d’autres personnes à adopter le même genre de comportements. Ne pas intervenir signifie aussi laisser la place à une éventuelle escalade de la violence sur le lieu de travail. Cela peut également affecter la crédibilité professionnelle du gestionnaire.

Les autres employés risquent de devenir démobilisés en voyant que ce type de comportement est toléré, alors qu’eux s’efforcent d’adopter des comportements adéquats qui contribuent à un milieu de travail puis à des relations qui sont saines.

Comment intervenir?

Les lois du travail ainsi que la jurisprudence guident en grande partie la gestion disciplinaire. Cependant, il faut savoir également la faire avec humanisme et en gardant toujours en tête l’objectif ultime : la modification du comportement fautif par l’employé.

Tout d’abord, l’employé doit être avisé de façon précise de ses manquements. Une première rencontre permet de lui faire part des observations, qui se doivent toujours d’être basées sur des faits. L’employé doit également comprendre les impacts et la portée de ses agissements. Il est essentiel de lui permettre de s’exprimer afin de comprendre les raisons qui le poussent à agir ainsi. Est-ce un manque de volonté? Est-ce un manque de capacité? En avait-il conscience? Cela permettra d’orienter les suites de l’intervention et d’évaluer le type de soutien dont il peut avoir besoin.

Il faut nommer des attentes claires à l’employé qui doit également être informé des mesures pouvant lui être imposées s’il n’apporte pas les correctifs exigés. Afin de l’engager dans la démarche et de le responsabiliser face à l’atteinte des résultats, il est souhaitable de l’impliquer dans la recherche de solutions, en l’amenant à identifier les actions qu’il prendra pour corriger son comportement, plutôt que de lui imposer.

En fonction du ou des correctifs à apporter, un échéancier raisonnable doit être déterminé. Par la suite, un suivi rigoureux doit être fait auprès de l’employé afin de s’assurer que la situation s’améliore. Dans l’affirmative, il est important de le féliciter pour les efforts déployés et les objectifs atteints. Dans le cas contraire, l’employé doit être informé de la mesure qui s’impose, si applicable, et de la prochaine étape si les changements nécessaires ne sont pas apportés.

Rappelons également certains considérants importants en gestion disciplinaire :

  • L’équité procédurale : Elle vise à permettre à l’employé de donner sa version des faits et de fournir ses explications. Ces dernières doivent être considérées dans l’imposition de la mesure. Dans un même ordre d’idées, l’employé doit être rencontré à chaque étape du processus, avant de recourir à une sanction plus importante.
  • La progression des sanctions : Le principe de la progression des sanctions implique généralement que l’employeur procède de façon graduelle dans l’imposition des mesures. De façon générale, il y a :
  1. Un avis verbal;
  2. Un avis écrit;
  3. Une courte suspension
  4. Une suspension de longue durée
  5. Un congédiement.

La progression des sanctions vise à permettre à l’employé de répondre aux exigences en lui donnant le temps raisonnable et les moyens pour le faire, avant l’imposition d’une mesure plus sévère. Elle vise la réhabilitation de l’employé qui doit avoir la chance d’amender sa conduite fautive.

Cependant, la progression doit se faire pour des fautes de même nature et ne s’applique pas à toutes les situations, notamment lorsqu’il s’agit d’une faute grave.

  • Le principe de proportionnalité : La mesure disciplinaire doit tenir compte de divers facteurs, notamment le dossier disciplinaire de l’employé et la gravité de la faute commise.

En conclusion, une gestion humaine de la discipline se fait dans le respect des travailleurs. Il faut être clair, objectif, équitable et rigoureux. Il faut permettre réellement à l’employé d’amender son comportement fautif, notamment en lui accordant le temps raisonnable pour le faire, en lui donnant l’opportunité de donner sa version des faits, en l’impliquant et en imposant des mesures appropriées.

Et vous, comment humanisez-vous vos interventions en matière disciplinaire?

[1] Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Droit de gestion, https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/prevention-securite/milieu-travail-sain/droit-gestion, consulté le 12 mai 2023.