La santé mentale, on en parle de plus en plus, et c’est tant mieux. Mais qu’en est-il de la santé mentale au travail ? Mais surtout de la maladie mentale au travail ? Quels gestes doivent-ils poser pendant leurs absences pour maladie, avant et lors de leur retour ? Toutes ces questions sont légitimes et le fait de se les poser comme employeur, c’est signe d’une sincère volonté de contribuer au mieux-être de chacune des ressources humaines de l’organisation. Cet article comporte des astuces concrètes et accessibles pour aider les employeurs à faire une différence significative dans ce contexte délicat.


La maladie mentale : concept à s’approprier

La maladie mentale est un concept qui est de plus en plus discuté et expliqué. Les années passent et les connaissances croient. Fort heureusement, car la tombée des tabous et des préjugés passe nécessairement par le développement des savoirs.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé mentale comme un état de bien-être permettant à chacun de reconnaître ses propres capacités, de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie, d’accomplir un travail productif et fructueux et de contribuer à la vie de sa communauté. Selon cette définition, être en bonne santé mentale ne consiste donc pas uniquement à ne pas avoir de maladie.

Les indices de maladie mentale à surveiller sont généralement observables par les proches. Ceux-ci peuvent noter des changements de comportements chez la personne; constater qu’elle est plus agitée qu’à son habitude, qu’elle semble amorphe ou encore qu’elle s’isole. La personne elle-même peut ressentir des symptômes, tels que de la fatigue, un sentiment de tristesse, un niveau de stress accru, ou encore une modification de son appétit par exemple. Pour être à même de repérer ces symptômes, il faut d’abord porter une attention à soi, se connaître et s’écouter.

La maladie mentale en statistiques

À l’échelle mondiale, on dit que les maladies mentales représentaient 10 % des cas de maladie en 1990. En 10 ans, ce taux a grimpé à 12 %, ce qui évoque une croissance notable. L’Organisation mondiale de la santé estimait que ce taux continuerait de grimper ainsi progressivement pour atteindre 15 % en 2020, puis que la dépression deviendrait la 2e cause d’incapacité dans le monde.

Au Québec :

  • 24 % des personnes salariées indiquent éprouver une détresse psychologique;
  • 6 % des personnes salariées souffrent de dépression et 4 % d’épuisement professionnel;
  • 40 % des absences pour maladie au travail sont pour cause de maladie mentale;
  • 50 % des gens estimant avoir déjà souffert d’anxiété ou de dépression n’ont jamais consulté un médecin à ce sujet.


Le pouvoir de l’employeur

Sachant que la moitié des gens qui croient souffrir de dépression ou d’anxiété ne consultent pas et que lors d’un arrêt maladie, les employés n’ont pas l’obligation de déclarer leur diagnostic à leur employeur, comment ce dernier peut-il déceler la détresse chez son personnel ?

Connaître ses employés

D’abord, il doit être sensible aux changements chez ses employés. Pour ce faire il doit privilégier une certaine gestion de proximité. Attention, gestion de proximité ne signifie pas d’être présent physiquement dans les mêmes lieux, il est tout à fait possible d’être proche de ses employés et d’être à des centaines de kilomètres ! La gestion de proximité permet au gestionnaire de connaître ses employés et lui donne le pouvoir d’observer des changements dans leurs comportements. Ainsi, il sera plus à même de ne pas confondre « employé difficile » et « employé en difficulté ».

Diriger avec bienveillance et authenticité

L’employeur doit être sensible aux besoins de son personnel. La promotion de la santé mentale passe autrement que par des politiques épinglées aux tableaux des communications internes. Il doit en parler avec ses équipes, se montrer sincèrement soucieux du bien-être de ses employés et leur refléter ses inquiétudes s’il perçoit des changements chez eux. Cela permet d’ouvrir le dialogue et peut suffire à l’employé pour se décider à aller chercher de l’aide. Sans jouer au psychologue, il peut simplement le rencontrer et lui refléter ses observations, suivi de ses inquiétudes. Par exemple « J’ai remarqué que tu ne viens plus aux pauses avec nous le matin et depuis deux semaines, ta porte demeure fermée. Je m’inquiète pour toi. Comment vas-tu ? ».

Et quand l’employé quitte en arrêt de travail?

Trop souvent, les employeurs croient à tort qu’ils n’ont pas le droit de contacter leurs employés pendant leur arrêt de travail. Mais pourquoi en serait-il ainsi ? Qui-a-t-il de mal à écrire un petit mot à son employé pour lui dire qu’il pense à lui, à lui téléphoner pour prendre de ses nouvelles, à lui faire sentir qu’il fait toujours partie de l’équipe et qu’il a le droit de prendre soin de lui ?

En fait, il s’agit même d’un des principes clés identifiés par maintes études, dont celle menée par Corbière et ses collègues en 2017 (Stratégies de retour au travail d’employés ayant fait l’expérience d’une dépression : perspectives des employeurs et des cadres des ressources humaines). Le contact avec l’employé en maladie donnerait ainsi le ton à la suite du retour au travail. Un employé qui s’est senti respecté, accueilli et rassuré pendant son absence a davantage de chance de revenir au travail en confiance et disposé. Dans ce contexte favorable, il aura aussi moins de risque de rechuter en maladie.

Bien sûr, les employeurs doivent porter une attention particulière à certaines notions :

  • Attention à la confidentialité. Il serait inadéquat de questionner l’employé sur son diagnostic par exemple. Si toutefois il le confie à son supérieur, ce dernier devra garder cette information pour lui. Il en va du respect de sa vie privée.
  • Attention au rythme. Il pourrait être mal vu de contacter l’employé trop tôt dans son arrêt. Ce dernier voudra peut-être prendre un peu de recul avant de reprendre contact avec son travail. Il faut donc être à l’écoute et faire preuve de flexibilité pour s’ajuster aux signaux de l’employé.
  • Attention au contexte. Il faut être sensible à la relation qui subsiste entre l’employé et le supérieur. Si la relation était peu harmonieuse avant l’absence, il serait peut-être troublant pour le salarié de recevoir des appels de son supérieur.

Puis tout au long de l’absence du salarié…

Le gestionnaire devrait planifier le retour de son employé et y penser avant même de connaître la date de retour. Idéalement, l’entreprise devrait établir un certain protocole qui permet chaque fois de s’assurer de penser à tout. Entre autres, le gestionnaire devra éviter de replacer l’employé dans le même contexte que celui qui a pu contribuer à son départ, comme un conflit, une surcharge de travail ou des rôles mal définis. Le gestionnaire pourrait donc profiter de l’absence de son employé pour faire de son environnement de travail un milieu propice à son retour.

Au cours de l’absence, le gestionnaire devrait accorder une attention particulière aux rumeurs et jugements qui pourraient circuler concernant l’employé. Des propos tels que « Il avait besoin de vacances pour construire son garage ! » ou « Elle est absente juste parce que sa grand-mère est décédée ! » ne devraient jamais être tolérés. Ce sont ces propos et leur tolérance qui contribuent à maintenir les tabous, la stigmatisation et la discrimination des salariés aux prises avec une maladie mentale. Le gestionnaire pourrait même profiter de l’opportunité pour sensibiliser le personnel à la maladie mentale pour accroître leurs savoirs. De nombreux organismes offrent des outils et activités de sensibilisation et d’éducation sur le sujet de la maladie mentale. Pourquoi s’en priver ?

Quand l’employé est prêt à revenir…

À ce stade, le gestionnaire sera heureux d’apprendre que son employé est apte au retour, il peut être tentant de précipiter les choses. Il est plus sage de bien prendre son temps. Il faudra s’assurer de connaître les attentes et besoins de l’employé, de bien comprendre ses limitations s’il y a lieu aussi. Il est possible que des accommodements soient requis à son poste, pour ce faire, la collaboration de différents acteurs clés sera bénéfique (par exemple : représentant syndical, professionnel de la santé, représentant des ressources humaines, etc.).

Il faudra aussi informer les collègues et collaborateurs de l’arrivée imminente de l’employé. Il devra se sentir accueilli et attendu.

Avant le premier jour du retour de l’employé, il faut que tout soit prêt pour lui. Combien d’histoires malheureuses avez-vous entendues de retour au travail où l’employé trouve ses objets empilés dans un coin du local à débarras, où personne ne l’attendait, où il n’avait plus ses accès à ses systèmes informatiques ? Ces négligences sont significatives chez le salarié, qui doit alors user de toutes ses forces pour ne pas prendre ses jambes à son cou et repartir en maladie. En effet, il peut en déduire qu’il n’est pas important, que son retour dérange, qu’ils s’organisaient bien sans lui. Ces interprétations sont absolument normales dans le contexte.

Lors de son retour…

Il faudra s’assurer de bien respecter les recommandations du médecin et des professionnels de la santé. Un retour progressif est généralement souhaitable, afin de permettre à l’employé de se réapproprier ses fonctions, sa charge et son environnement à son rythme.

Une rencontre préparatoire contribuera grandement à calmer les inquiétudes de l’employé. Prendre le temps de l’informer du déroulement prévu de son retour, des personnes qui l’accueilleront et de ce qui l’attend pour le premier jour.

La journée de son retour représentera un moment clé qui risquera de teinter le sentiment d’engagement de l’employé envers son organisation. Les dix gestes suivants peuvent grandement contribuer à faire de ce retour une belle expérience :

  1. Le lieu de travail de l’employé est accueillant et fonctionnel;
  2. Ses codes sont recensés et mis à la disposition de l’employé;
  3. Les collègues sont informés du retour;
  4. Une personne est identifiée pour accueillir le salarié;
  5. Une personne est chargée de brosser le portrait des changements qui ont eu lieu pendant l’absence du salarié et responsable de l’aider dans sa mise à jour;
  6. Le supérieur immédiat prend le temps de recueillir les besoins, attentes et inquiétudes de l’employé. Ils discutent de solutions ensemble;
  7. Le supérieur immédiat s’assure de nommer clairement ses attentes à son employé;
  8. Le supérieur immédiat prend le temps de réviser la liste de tâches de l’employé et l’aide à les prioriser, considérant ses mesures d’accommodement (p.ex : retour progressif);
  9. Le supérieur se rend disponible et il s’assure que son employé sait comment le joindre;
  10. L’équipe est avisée des mesures d’accommodement de l’employé et ces mesures sont respectées.

À la suite du retour…

Tout n’est pas terminé une fois que l’employé a réalisé sa première journée de travail ! Il est de mise de prévoir des moments de discussion réguliers entre l’employé et le supérieur immédiat. Ces discussions permettront au gestionnaire d’observer l’évolution de l’employé dans sa réintégration et de prendre état de l’atteinte des objectifs visés par les mesures d’accommodement déterminées. Dans la mesure où des enjeux font surface, les parties auront l’occasion d’en discuter et de convenir de solutions ensemble. Ce support représente un important facteur de protection contre la rechute de l’employé.


En conclusion

Les maladies mentales sont de vraies maladies, bien qu’elles ne soient pas visibles à l’œil comme une blessure physique par exemple. Elles méritent la même attention que celle qui est accordée à la prévention des autres risques pour la santé et la sécurité de l’employé. Seulement, il faut ajuster les moyens et les mesures. L’employeur de choix d’aujourd’hui le sait et déploie des actions pour s’améliorer. C’est à la portée de toutes les entreprises, et c’est un investissement payant en termes d’attraction, de bien-être et de rétention. Un pas à la fois; employeurs, faites la différence et contribuez à promouvoir la santé psychologique.

Bon succès !

Références :

Association canadienne pour la santé mentale. Les maladies mentales au travail (Les maladies mentales au travail – CMHA National)

Commission canadienne des droits de la personne (2007). Guide de la gestion du retour au travail, Ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux, 34 p.

Corbière, M., Lecomte, T., Lachance, JP. et al. (2017). Stratégies de retour au travail d’employés ayant fait l’expérience d’une dépression : perspectives des employeurs et des cadres des ressources humaines, Trouble mental et travail : accompagnement et inclusion professionnelle pérenne, 42 (2).

Gouvernement du Québec (2011). Pour guider l’action : Portrait de santé du Québec et de ses régions, 156 pages, [Pour guider l’Action – Portrait de santé du Québec et de ses régions